الثلاثاء، ٢٢ أيلول ٢٠٠٩

Le Curé et le Curator


Le curé et le curator
Hassan MUSA
12 Août 2009

L’ association Cap Accueil, qui organise depuis 9 ans l’exposition « Arts à la Point » , m’a invité à participer à la manifestaion de cette année et Claude Bouvier l’organisateur de l’évènement a sélectionné six de mes toiles pour un accrochage à l’église St. Raymond d’Audierne.
Une semaine avant le vernissage de cette exposition, j’ai reçu un coup de téléphone de Claude Bouvier qui m’ informait qu’il avait été contraint de retirer une de mes toiles car le curé de l’église St. Raymond d’Audierne s’opposait à son contenu. Claude Bouvier m’a expliqué que certains paroissiens auraient fait part au curé de l’église de leur indignation à propos de mon image intitulée « Les dialogues de la Civilisation »*.
Le lendemain (8 Juillet 2009), j’ai pris contact avec Monsieur Gusti Hervé, le responsable de la Commission d’Art Sacré du Diocèse pour lui demander s’ il pouvez intercéder pour que mon exposition ne soit pas censurée. Monsieur Hervé m’a promis d’intervenir mais il m’a expliqué qu’ il ne pouvait pas imposer son avis au curé d’ Audierne.
Le 8 et le 9 juillet, j’ai également tenté d’entrer en contact avec Monsieur Yves LeClech, le curé de l’église St Raymond et j’ ai laissé deux messages sur sa boite vocale.
Le 10 juillet, Claude Bouvier m’a informé que le curé de l’ église St Raymond ne veut pas de mon œuvre « Les dialogues de la Civilisation » dans son église. Claude Bouvier m’a également expliqué que le curé de l’église de St. Raymond, en sa qualité de « locataire » avait le droit de s’opposer à la présentation de certaines œuvres dans son église. J’ ai demandé à C. Bouvier ce qu’il adviendrait si nous ne tenions pas compte de l’avis du curé de l’ église St. Raymond.
« Ils pourraient ne pas nous prêter les églises et les chapelles pour la prochaine fois d’Arts à la Pointe » m’a-t-il. J’ai interrogé C. Bouvier sur la possibilité d’ouvrir un débat public sur le thème de la censure et d’y impliquer les paroissiens qui s’opposeraient à l’usage de lieux du culte comme lieux de manifestations culturelles. C. Bouvier m’ a expliqué que lors d’une précédente manifestation artistique, il s’était trouvé tout seul dans un débat public contre des adversaires qui n’étaient pas très loyaux.



Quelques jours plus tard, invité par l’Association au vernissage de cette manifestation artistique, j’ai fait le voyage en Bretagne avec l’ intention de retirer toutes mes toiles de l’église d’Audierne si mon image incriminée était retirée.
Peu du temps avant le vernissage j’ ai rencontré Y.Le Clech, le curé de l’église d’ Audièrne. Nous avons eu une courte discussion . Je lui ai posé la question suivante :
« Pourquoi les autorités de l’église ont-elles accepté de prêter des lieux de culte à une manifestation d’ art contemporain alors que vous savez que vous prenez le risque de vous trouver avec des actions artistiques qui ne vous plaisent pas ? »
Mr Le Clech m’a répondu :
« Nous avons signé une convention avec les organisateurs pour que les lieux soient utilisés à condition que le contenu des évènements ne heurte pas la sensibilité des paroissiens ».
A ce stade de notre conversation j’ai compris que j’étais pris au piège du flou politique entre la bureaucatie de l’église catholique et celle de « l’église culturelle ».
« Ca, c’est la Bretagne ! » m’ont répété plusieurs personnes ( cette phrase étant supposée me consoler…) Et puis « business as usual » !

Mais qu’ est-ce que c’est que cette Bretagne qui dépense l’argent des contribuables sur l’entretien des édifice religieuse sans croyants, des monuments vides que quelques fétichistes accaparent au nom de leur foi.
Qu’est ce que c’est que cette Bretagne où le débat public est confisqué au nom d’une frilosité politique qui cherche à plaire à tout le monde ?

Enfin ,qu’ est-ce que c’est que cette Bretagne où les autorités publiques banalisent la censure pour satisfaire quelques individus autoproclamés gardiens de la morale ?

Juste avant levernissage de mon exposition (il y avait 10 exposition dans 10 lieux de culte pour cette édition d’Arts à la Pointe), C. Bouvier m’a appris que finalement « On » était arrivé à un arrangement : « On peut
ré-accrocher la toile en question seulement pour le jour du vernissage, mais il faudra la retirer le lendemain ».
C. Bouvier m’a annoncé que je pourrais en parler avec les représentants de la presse au moment du vernissage. Quelle consolation !
J’ étais révolté mais je n’ avais aucune intention de jouer à « l’ artiste rebelle ». Baudelaire et Verlaine aux barricade de 1848 c’est bien, mais aujourd’hui « l’ artiste rebelle » est un label du marché de l’ art.


Non je ne suis pas un artiste rebelle, je suis un artiste « politique » dans le sens léniniste du terme, car j’ ai appris que l’ art de l’ exposition – qui est indépendant de l’ art de peindre– est un art politique où artistes ,objets et idées sont manipulés à des fins politiques. J’ ai donc décidé de ne pas retirer mes œuvres et de parler aux gens présents lors du venissage. Ces gens qui, dans leur majorité, étaient des « alliés ». Ce sont des « fidèles » et des « croyants », des disciples de cette nouvelle foi en l’Art.
J’ai dit à certains :« Chers amis, si je vous demande « Avez-vous la foi en Dieu ? », vous serez nombreux à dire « Non ». Mais si je vous demande avez-vous la foi en l’Art ? Peu d’entre vous oseront dire : « Non ».
Si aujourdhui l’art est devenu une foi religieuse , il ne s’agit pas de n’importe quelle foi religieuse mais d’une fois monothéiste sans laquelle le marché capitaliste ne saurait fonctionner.
Le capitalisme globalisant qui entend tout intégrer dans la logique du marché s’est servi au XIXème siècle, du levier du monothéisme chrétien pour dominer le nouveau monde. Aujourd’hui, l’art semble mieux incarner un nouveau monothéisme qui fédère tout le monde sur la foi en l’art. Et ça marche par ce que c’est politiquement correct, ça ne coute pas cher et ça rapporte gros ». Il suffit de regarder le marché de l’ art.
Si autrefois, l’église se servait de l’art pour atteindre les fidèles illettrés, aujourd’hui l’art du marché semble instrumentaliser l’église comme support pour atteindre ses fidèles. Est-ce cela qui trouble les responsables de l’ église d’ Audierne ?
Enfin, je tiens à préciser les points suivants :
Mes image peintes représentent mon point de vué sur l’ état du monde.
La provocation n’est pas ma priorité mais si exprimer mon avis sur l’état du monde peut provoquer alors j’assume les conséquences d’une telle provocation.
Je n’ai aucun sentiment de haine ou d’ agressivité à l’égard des croyants, quelle que soit leur religion, mais les personnes croyantes qui prétendent que mes images choquent leur sensibilité religieuse doivent examiner de près les propos véhiculés par mes images avant de m’ accuser de provocation. Les personnes croyantes(drole de catégorie !) sont dans le monde, ce même monde qui s’ impose à nous tous comme un destin en partage pour le meilleur comme pour le pire.
Je trouve injuste et insuportable que mon travail d’artiste soit censuré par une autorité religieuse qui abuse du privilège adminstratif, celui d’un gardien d’un lieu d’exposition.







Car du moment où cette autorité religieuse a accepté de prêter un lieu de culte à une manifestation d’art contemporain, l’église pour les exposants devient un lieu d’ exposition comme un autre et l’avis du curator devrait primer sur l’avis du curé !
Avoir la garde d’un lieu de culture est une grande responsabilité qui va au-delà des convictions religieuses des uns et des autres. Nous avons vu comment les Boudhas de Bamian ont fini sous la garde des Talibans qui se croyaient propriétaires des vestiges culturels.
Hassan Musa.

*L’ image censurée « Les dialogues de la Civilisation »(II),Encre sur textile,206x228 cm, 2008.